9.00: Susan se prépare à commencer une nouvelle journée chez Persephone Vintage, l’e-shop vintage qu’elle a fondé et qu’elle gère maintenant à plein temps. Désormais basée dans le Sud de la Californie, Susan a grandi à New York, où elle a vécu à partir de ses 5 ans (l’âge auquel elle a quitté la Corée du Sud, son pays natal). « Aller au lycée à Downtown Manhattan a été la meilleure initiation à la mode et au style du monde, » se souvient-elle. « Dans les années 90, il vous suffisait de vous installer dans le bon coin de Manhattan et de regarder les gens passer pour être exposé à tous les looks ultra créatifs que l’on voit désormais dans les blogs de streetstyle de nos jours. C’était un super endroit où évoluer pour une jeune créative. » Susan a étudié la littérature et la philosophie dans une université libérale du West Village, se focalisant sur son amour de la poésie. « Je me suis rendue compte au bout d’un moment qu’il serait difficile de gagner ma vie avec ça, surtout parce que les gens ne lisent plus de poésie. Mais j’ai l’impression que les aspects créatifs de ce que je fais actuellement sont une conséquence direct de ce que j’ai appris sur l’écriture. »
Le nom de son e-shop vient directement de son éducation classique : « Perséphone est la déesse grecque des Enfers, mais pour moi elle a toujours représenté toutes les femmes – la façon dont elle est kidnappée par Hadès puis ensuite retournée à ses parents représente pour moi la façon dont les femmes de nos jours peinent à obtenir une vraie autonomie (dans une relation amoureuse, ou au sein d’un gouvernement par exmple) et une libre disposition de leur corps. Les vêtements et la recherche ce style sont une belle façon de revendiquer cette autonomie. »
11.00: Susan organise régulièrement des shootings pour immortaliser les pièces vendues sur son e-shop, dont les résultats sont publiés sur son compte Instagram, dont la popularité a fortement contribué à sa notoriété. Susan shoote tout elle-même, suivant une esthétique définie en cohérence avec sa personnalité et l’univers de sa boutique. « Visuellement, je veux que tout soit parfait, alors je travaille à me perfectionner à ce niveau là, notamment en recommençant encore et encore jusqu’à ce que je comprenne tout. Le côté créatif de ce que je fais est vraiment ce que je préfère. »
Une fois la coiffure et le maquillage finalisés, l’équipe se lance dans environ six heures de shooting, souvent avec un fond sonore de musique énergique et punchy. « Les shootings photo sont le moyen de mettre en avant un aspect particulier d’une pièce, comme une jambe de pantalon évasée ou un manchette travaillée, » explique Susan. « Il y a un vrai aspect ludique et expérimental, on pousse le mannequin à bouger. Comme je suis derrière la caméra, j’ai dû apprendre comment diriger les personnes que je shoote mais aussi comment les rendre les plus confortables possible afin d’avoir des photos assez naturelles. Souvent ces shootings deviennent carrément des petites sessions thérapie, avec beaucoup de discussions, de connexions et de confessions – ce que je trouve aide vraiment à construire une relation entre mannequin et photographe. »
13.00: Susan se lance à la recherche de nouvelles pièces à vendre sur son e-shop. Elle les trouve dans les dépôts vente, les marchés aux puces, les vide-greniers… « Je me retrouve souvent à voyager pas mal, parce que ce que je cherche est très spécifique et pas si facile à trouver. Je traverse toute la Californie, ainsi que les états aux environs, et parfois je vais jusqu’en Floride ou je retourne chez moi, à New York. » Elle ne cherche pas forcément de pièces d’une époque particulière, et s’efforce de se limiter aux styles qui sont portables de nos jours.
15.00: De retour au bureau, Susan se prépare pour le prochain shooting, qu’elle essaie d’organiser le plus régulièrement possible en fonction des nouveaux arrivages sur l’e-shop. Elle choisit les vêtements qu’elle veut mettre en avant, gère les raccommodages de dernière minute, sélectionne les pièces qui iront le mieux avec la mannequin choisie, décide du stylisme et de la position du mannequin – de face, assise ou debout. « Tout cela me demande pas mal de recherches sur Internet, souvent sur Pinterest, pour faire en sorte que le stylisme reste moderne et pertinent, » explique Susan.
18.00: C’est la fin d’une journée chargée pour Susan, qui s’est lancée dans Persephone Vintage sans aucune expérience dans le monde de l’entreprise au préalable. « J’ai dû apprendre par moi même des choses comme le raccommodage ou la couture, le stylisme, la photo, ainsi que d’autres choses nécessaires à la gestion d’une entreprise, comme le marketing digital. » Elle conseille de lire le maximum d’ouvrages spécialisés ainsi que d’écouter des podcasts, tout en admettant que ses plus grosses leçons ont été apprises sur le tas. « J’ai pris beaucoup de temps à me perfectionner, afin de comprendre au mieux la différences entre l’éclairage studio et l’éclairage naturel, le rôle des angles et des ombres dans la mise en avant de la qualité d’une pièce, comment maximiser le potentiel d’une pièce en l’associant à des accessoires, ainsi que tout apprendre sur les silhouettes modernes et comment les réaliser… »
Dans son temps libre, Susan aime aller danser – elle adore « se détacher de tout ce qui se passe dans sa tête, se focaliser sur son corps et être en connexion avec la musique » ainsi qu’aller visiter des expos, comme celle de Nan Goldin au MOMA à New York. « Je crois que lorsque je pourrai me concentrer un peu moins sur ma boîte, j’aimerais utiliser les compétences photographique que j’ai acquises pour shooter des vrais gens et les sous-cultures, » rêve t-elle. « Je serai toujours attachée à la mode, mais les gens m’intéressent plus que tout. »