Comment t’es-tu rendue compte que la mode avait un tel potentiel humoristique?
J’ai toujours vu le monde à travers un prisme comique, recherchant activement le côté humoristique de chaque chose, alors c’était assez naturel pour moi de considérer la mode de la même façon. J’étais clairement consciente de son potentiel humoristique, on a tous vu Zoolander après tout… J’ai plus été surprise par l’hilarité provoquée par la juxtaposition entre cultures « high » et « low » via les jeux de mots, comme par exemple ma boisson préférée, Karl Lager.
Tu te souviens de ton premier dessin de cette série? As-tu eu un moment « Eurêka »?
En fait, mes premiers dessins tournaient en dérision le mouvement du « clean eating » (la nourriture saine avant tout), en transformant les aliments stars de la culture healthy en superhéros. Puis sont arrivés les défilés couture… et j’ai abandonné la nourriture au profit de la mode (pas littéralement comme le fait Carrie Bradshaw – je n’ai jamais préféré acheter Vogue à la place d’un repas).
Y a t-il un jeu de mots dont tu es particulièrement fière, ou un qui t’est venu difficilement?
C’est plus dur d’imaginer des jeux de mots en rapport avec des événements actuels, mais seulement parce que le sujet est si nettement défini. Mais même dans ce cas là, je crois profondément qu’une blague forcée n’est jamais drôle, alors je ne dirais pas vraiment que certaines soient venues « difficilement » car cela implique un humour un peu forcé. C’est avant tout une question de timing, donc à ce niveau là on peut peut-être parler d’une certaine difficulté. Je vide mon esprit, et j’attends que quelque chose d’étrange et d’incroyable y naisse. Je suis sûre qu’il y a une explication derrière le processus, mais je n’arrive pas à mettre les mots dessus…
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Je suis assez contente de « Who let the clogs out » (jeu de mots reposant sur les sonorités communes des mots « dogs », de la chanson, et « clogs », les sabots) parce que la chanson est tellement connue et a du coup été transformée en un commentaire mesquin sur un type de chaussures, et je dois dire que cela fonctionne plutôt bien. Je suis aussi très fière de Karl Lager (jeu de mots entre Karl Lagerfeld et un type de bière blanche, le lager), à un tel point qu’il m’est arrivé d’imprimer des étiquettes Karl Lager et de les coller sur les verres et les bouteilles.
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As-tu eu des retours de la part des personnes que tu as dessinées?
Oui! Majoritairement positives… Il y a un moment de confusion de la part de Suzy Menkes qui n’a pas initialement compris que sa représentation dans mon dessin « Desperately Seeking Suzy » n’était pas le reflet de son style vestimentaire, mais celui du personnage de Madonna dans le film Desperately Seeking Susan. Elle m’a laissé un commentaire disant que le dessin était super mais qu’elle ne s’habillerait jamais comme ça… J’ai dit que j’étais d’accord, et j’ai essayé de dissiper la confusion. J’ai aussi eu des retours positifs de Giambattista Valli, Charlotte Olympia, Gigi Hadid, Kendall Jenner et Olympia Le-Tan.
Tes dessins sont devenus célèbres grâce à ton compte Instagram. Ça te fait quoi de te dire que tu as fait rire autant de gens simplement en apparaissant sur leur téléphone?
Ça fait vraiment chaud au cœur. J’ai toujours adoré faire rire les gens. Quand j’étais une adolescente mal dans sa peau, je ne voulais pas que les garçons me trouvent attirante, je voulais qu’ils me trouvent drôle. Ça me fait encore plus plaisir quand je vois que les gens taguent leurs amis – j’ai partagé ma blague avec eux, et ils choisissent ensuite de la partager avec leurs amis! Je suis très contente de pouvoir donner un peu de répit humoristique dans un monde où les réseaux sociaux sont saturés de réalité virtuelle et d' »influence. »
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Tongue in Chic : The Fabulous Fashion World of Angelica Hicks, by Angelica Hicks (Laurence King)
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