Une spectaculaire robe rose poudré tourne lentement sur elle-même, dévoilant un dos partiellement dénudé dont les deux pans sont reliés par un noeud rose. Derrière elle est exposée une radio de l’anatomie de la robe en soie gazar, dévoilant le secret de son architecture impressionnante: un corset dissimulé sous les couches de tissu assure le bon tombé des panneaux de la robe. Dite « La Tulipe », cette création en soie est l’une des cent pièces signées Cristobal Balenciaga, couturier espagnol fondateur de la maison éponyme, issues majoritairement de la collection privée du musée londonien Victoria and Albert et présentées au cours de la première rétrospective britannique sur la carrière de Balenciaga, marquant les 80 ans de la maison de couture parisienne.
L’anti-New Look
Dès l’ouverture de l’exposition Balenciaga: Shaping Fashion, le sang espagnol se fait sentir: mantillas ornementées, dramatiques robes de flamenco, vestes chaquetillas brodées typiques des toréadors et soutanes sobres aux accents catholiques sont autant de rappels au pays d’origine du couturier Cristobal Balenciaga, né en 1895 dans le Pays Basque espagnol, qui fonde sa maison de couture parisienne en 1937. Une série de quatre robes noir de jais frappe le visiteur, habile mise en scène des styles consécutifs (et révolutionnaires) de la maison: la robe Enveloppe et ses plis stratégiques, la robe Amphore et son derrière arrondi, la robe Baby Doll en dentelle froncée et enfin la sobre robe trapèze et sa taille gommée, qui s’élève contre le principe fondamental du New Look de Christian Dior en vogue à l’époque.
Ateliers solennels et chasse à la contrefaçon
Si l’exposition choisit de se focaliser sur les grandes années de la maison – les années 50 à 60 sont le terrain d’un vrai bouleversement de la silhouette féminine par le couturier espagnol, qui pose les bases de la silhouette trapèze des années 60 et de la déconstruction du vêtement des années 80 – l’histoire de Balenciaga est explorée dans sa totalité, parsemée d’anecdotes à ressortir lors de conversations mode. Saviez-vous qu’André Courrèges a été modéliste pour la maison durant 10 ans ? (« D’un blanc pur, sans ornement et intensément silencieux… Dans une pièce de cinquante personnes, on pouvait entendre les mouches voler » dit le futur fondateur de la maison Courrèges à propos des ateliers Balenciaga, où l’ambiance se fait presque liturgique). Que le couturier visionnaire avait une ligne bis, Eisa, proposant à un prix moins élevé des versions plus modestes de ses dessins haute couture à une clientèle exclusivement espagnole? Que, terrorisé par la contrefaçon, Cristobal Balenciaga refusait de présenter ses collections aux journalistes avant leur mise en vente, forçant les magazines internationaux à revenir à Paris un mois après les présentations rien que pour lui (et Givenchy, qui adopte le même processus peu de temps après)? Maintenant, oui.
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Balenciaga: Shaping Fashion, du 27 mai 2017 au 18 février 2018 au musée Victoria and Albert, Londres
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