Le lendemain des élections, il faisait 17 degrés et le ciel était nuageux. A Greenpoint, Brooklyn, des feuilles mouillées recouvraient les rues paisibles du quartier, laissant des traces hasardeuses sur le trottoir.
Le matin de la veille, les voisins se saluaient en se serrant la main, se jetant des regards entendus. « Tu es allé voter? » « Tu as vu cet autocollant? » On était tous si fiers de nous-mêmes. « On a enfin brisé le plafond de verre! », une attachée de presse m’avait écrit, et je lui ai répondu avec un emoji de pouce levé et un drapeau américain. Pouvais-je me souvenir d’une autre occasion où j’aurais pu allier ces deux symboles? Il n’y avait personne qui n’était pas convaincu que non.
Ils disent qu’après la fin d’une relation, il est important de faire son deuil. Sans cette période de deuil, impossible de pouvoir commencer à guérir.
Mais le lendemain, nous avons essayé. Le visage rouge et bouffi, nous nous sommes retrouvées toutes les six à l’appartement de Tawni et avons discuté des dernières 48h dans son salon. Où étais tu quand…? Avec qui étais-tu? Difficile de ne pas voir un parallèle entre ces questions et celles que je demandais à mes parents quand, plus jeune, ils me racontaient les tragédies politiques dont ils ont été témoins, il n’y a finalement pas si longtemps.
C’est facile de laisser libre cours à la haine. D’être en colère et de crier. De pointer du doigt à la place de poser des questions, de penser qu’il y a deux camps, et que le deuxième a tort.
Mais ce jeudi-là, nous avons mobilisé notre peine pour créer, et non pas détruire. Nous avons travaillé ensemble, et nous avons laissé notre inspiration nous guider les unes les autres. On ne s’est pas demandées ce qui allait arriver. On n’a pas eu peur du futur.
Hillary Rodham Clinton, on te salue. On espère que tu pourras inspirer les femmes pour qu’elles travaillent ensemble, vu qu’il n’y a clairement pas d’autre solution.