Je vais vous donner un petit conseil : l’application Plans de votre iPhone vous indique certes le chemin le plus court pour arriver à destination, mais en aucun cas le plus simple. Me voici, suant à grosses gouttes sous le soleil de Californie en juillet, en train de gravir la plus grosse colline que j’ai vue de ma vie – et quand c’est fini, en voilà une autre! Ce qui devait me prendre 10 minutes me coûte finalement le triple, ainsi que tout mon souffle. Tout ça pour me rendre de l’autre côté de Silver Lake, quartier à l’Est de Los Angeles connu pour sa topographie extrêmement vallonnée, où est situé le restaurant que je veux tester ce midi. Quelle touriste. En arrivant à Virgil Avenue, il me faut un peu de temps avant de repérer ce que je cherche – le voilà, posé à un coin de rue, le désormais célèbre restaurant Sqirl.
Je n’ai pas trop fait mes devoirs avant de tester Sqirl. La team Please a passé deux semaines à Los Angeles pour faire le numéro 20 du magazine, et nous logions à Silver Lake. J’avais fait quelques petites recherches Google sur le quartier, et Sqirl était dans la liste. Je ne savais pas trop à quoi m’attendre, à part le fait que les plats avaient l’air très Instagrammables (je sais, je sais). « Il faut absolument que tu essaies le bol de pesto à l’oseille! » me conseille une styliste rencontrée sur un shooting quelques jours auparavant. La gorge sèche après avoir escaladé la moitié de Silver Lake, je commande une limonade à la rhubarbe ainsi que le fameux bol de pesto, et m’installe pour commencer mon people watching.
Fondé en 2011 par Jessica Koslow, chef native de Californie, Sqirl s’est d’abord spécialisé en confitures maison, que le restaurant continue de produire sur place suivant des techniques très old school. L’équipe s’est ensuite élargie, et propose désormais petit déjeuners et déjeuners (le lieu ferme à 16h), poussant toute la Californie à former chaque midi une queue gigantesque le long de la rue (la première chose que l’on m’a demandée quand j’ai dit que j’y avais fait un tour était « Tu as attendu combien de temps?!). Jessica se concentre sur des produits issus de l’agriculture locale, travaillant avec une multitude de petits producteurs aux environs, tout en respectant les saisons. Si la plupart de ses créations sont plutôt healthy – scène californienne oblige, le toast à l’avocat est apparemment à se damner – d’autres le sont nettement moins, comme sa tranche de brioche surmontée d’une montagne de ricotta et de confiture. Le tout est inspiré de saveurs piochées tout autour du monde (sauerkraut germanisant, épices d’Afrique du Nord, pain socca de Nice). N’étant absolument pas critique culinaire, je vous conseille de faire un tour sur le New York Times qui décrit ça beaucoup mieux que moi (attention : l’article fait référence au « diagramme de Venn »).
Alors que j’attends mon plat (avec un peu d’appréhension, étant une grande fan de pesto « traditionnel » – mais naturellement, c’était fou), je me rends compte que, comme souvent, Sqirl est bien plus qu’une histoire de bouffe. Quelques mois plus tard, alors que je feuillette les pages du livre de recettes du restaurant, Everything I Want To Eat (« tout ce que je veux manger », en VF), le même sentiment me traverse. Le livre compte bien plus de photos de ses clients en chair et en os, dont les acteurs Busy Philipps et Dave Franco, que de ses plats. Les gens viennent avec leurs enfants, une famille entière s’assoit à côté de moi, la plus jeune fille zieutant ma limonade rose avec envie. Tous les ages, tous les styles (beaucoup plus de gens « stylés » que le contraire), tant et si bien que le quartier, un coin assez paumé de Silver Lake, vit une nouvelle jeunesse. Je déguste mon pesto à l’oseille et j’ai la douce impression, pour la première fois lors de ce voyage très très loin de chez moi, de faire partie d’une communauté.
Everything I Want to Eat. Sqirl and the New California Cooking, by Jessica Koslow. Le livre a même son propre compte Instagram, @eiwte. Retrouvez le sur Amazon ici.
